Oui, des coques à bouchains vifs bien dessinées offrent de belles performances, cf. les nombreux plans Harlé en dehors des Ovni. L'idée de bouchain et de surface plane partielle est d'ailleurs reprise dans des carènes très modernes, voir par ex la partie avant de la carène de Cheminée Poujoulat avec son plan en biais sur le premier quart. A la gîte le bateau prend appui sur son bouchain, et cette surface plane qui forme un plan porteur contribue également à prolonger la flottaison, tout en permettant principalement au bateau un départ au planing plus rapide.
Pour la surface mouillée elle est bien sûr liée à la longueur de flottaison, mais aussi au poids, déplacement, largeur et forme de la carène. Donc 2 carènes avec une longueur de flottaison identique n'auront pas forcément la même surface mouillée. En général les formes rondes présentent moins de surface. Ne pas oublier non plus les appendices.
Pour résumer
l'intérêt du bouchain évolutif sur les bateaux de croisière, Finot-Conq le fait assez bien sur son site :
Cet artifice (le bouchain évolutif) s'est ensuite répandu aux autres types de voiliers (croisière au lieu des Open 60), autant comme un parti-pris esthétique que comme une manière d'augmenter la puissance et l'habitabilité des bateaux, pour une largeur donnée.
On voit donc que la puissance du voilier (en gros un plus grand moment de redressement du à une carène plus large) est loin d'être le seul but recherché, parti-pris esthétique, parfois qualifié de mode, et habitabilité sont aussi importants !
Pour le MP que j'ai reçu auquel je n'arrive pas à répondre, non je n'ai rien contre les plans Lombard, bien au contraire !
Seulement quand j' entends ou vois écrit dans la presse nautique des inepties comme "Marc Lombard est le père du bouchain évolutif" ou "les Ovnis sur plan Lombard sont beaucoup plus rapides dus à leur grande longueur de flottaison", je m'inscris en faux, pas pour polémiquer mais pour la recherche de la "vérité".
Pour la première affirmation, regardez le 12 m JI France 1, un plan Mauric de ...1970 ! avec un très joli bouchain évolutif
Quant à la longueur de flottaison, elle est certes importante (vitesse critique, allongement sur déplacement favorisant le passage dans les vagues,etc) mais une carène réussie est l'optimisation d'un grand nombre de paramètres et non d'un seul !
Un contre exemple amusant le Magum 747 de David Raison qui semblait aller plus vite que les autres lors de la dernière mini-transat (arrivé premier avec 24 H d'avance sur le second), comporte en fait une longueur de flottaison réduite après 25 ans de recherche de maximisation de cette longueur dans cette classe 6.50 !
A nouveau pour bien voir les différences entre ces bateaux de course (en utilisant l'exemple des Open 60) et les bateaux de croisière, notamment les dériveurs intégraux qui nous intéressent ici, on peut comparer certains ratios classiques :
Soient D : déplacement, SV : surface de voile au près, Lf : longueur de flottaison
Ratio surface de voile/déplacement :
On prend la racine carrée de SV sur la racine cubique du déplacement. En dessous de 5 on dit du voilier
qu'il est sous toilé. Au dessus de 5.5/6 il est dit sur-toilé.
Ex. un open 60 Imoca de D = 8T, SV = 300 m2, ratio = 8,7 ! Pour un DI de taille comparable on aura (en gros) D=25 T pour SV=180 m2, soit un ratio de 4.6. Faites le calcul pour le vôtre et vous verrez que la grande majorité des DI ont un ratio
de 4.5 à 4.7. Ils sont "sous-toilés" et n'atteindront pas leur vitesse critique (en gros 2.43 x racine carrée de Lf) dans le petit temps, où la SV/ surface mouillée (de la carène + appendices) sera beaucoup plus importante. Une première approximation donnera une surface mouillée en fonction de Lf, D, et la racine de la section max liée à la largeur de carène. Ici Lf aura une contribution négative.
Ratio Lf sur déplacement, on prend souvent Lf/racine cubique de D, celui-ci devra être supérieur à 5 pour parler de déplacement léger, beaucoup de DI ont un ratio de 5 à 6, donc pas des déplacements lourds, mais des déplacements moyens; pour lesquels le départ au planing (en dehors des surfs momentanés sur de la grosse houle) sera rare !
Un open 60 aura un ratio de Lf =18m30/2 = 9, un déplacement "ultra" léger, tout indiqué pour le planing ! Pour rappel les open 60 du dernier Vendée Globle marchaient très souvent en permanence à plus de 20 N avec parfois des moyennes journalières plus élevées, soit en gros 2 fois leur vitesse critique (d'environ 10 N en prenant la formule approx ci-dessus).
Alors que beaucoup de DI avanceront le plus souvent à des vitesses moyennes inférieures à leur Vc, autour de 70-80 %.
Pour le passage dans la mer, l'allongement (rapport Lf/D), la forme la carène et notamment de la section maîtresse, le coéfficient prismatique (moins bon pour une "péniche"), la forme du plan de flottaison, la déformation de la carène à la gîte, etc sont autant de paramètres à optimiser.
Tout ça pour dire qu'un paramètre unique ex ici de la Lf peut contribuer à la fois positivement et négativement (cas du DI sous 15-20 N de vent), ce qui compte bien évidemment c'est l'optimisation de l'ensemble de nombreux paramètres en fonction du type de bateau et de son programme.
Pour illustrer ce dernier point, sur un DI utilisé souvent comme voilier pour le voyage, un paramètre additionnel très important est la capacité de charge (on arrive vite à 2 à 3 T pour un 45 pieds), ou dit autrement une tolérance et peu de dégradation des formes de carène lorsque l'on passe du déplacement lège au déplacement total en charge.
Dans ce cas quelle est la meilleure carène ? La réponse est loin d'être évidente, d'où la complexité... et l'intérêt de l'architecture navale, ce qui donne une variété dans les propositions et choix architecturaux.