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Traversée de l'Atlantique

où, quand, comment ?

Une grande et belle traversée d'une durée d'environ 3 semaines, en famille, en couple, ou en solitaire... des réflexions basées sur l'expérience de quelques voyageurs totalisant un grand nombre de transats sur des voiliers de 40 à 50 pieds (et notamment sur des Ovni 43, 395, 435) toujours en condition de croisière familiale ou en équipage réduit, mise à part une participation à un rallye (pas une vraie course) et convoyages non professionnels pour bateau familial ou d'amis.

Historique des traversées

Certains membres étant "jeunes" d'un bon nombre de décades, ils pensent utile de rappeler l'historique de telles traversées :
Jusque dans les années 1980, avant l'émergence du GPS, on traversait au sextant. Le loch et par conséquent l'estime était souvent fausse, sauf lorsque le temps permettait d'effectuer 2 droites de hauteur dans la journée, le matin et le soir. Très souvent il suffisait de se recaler en latitude avec seulement une méridienne, car difficile de rater des îles au relief conséquent. Le GPS est bien pratique, mais a certainement enlevé cette part de magie dans les atterrissages et les premières entrevues de l'île attendue !
Pour la météo on écoutait les bulletins ondes courtes de RFI sur un petit poste récepteur BLU, comme les Sangean plus récents. Ce n'était pas vraiment précis pour situer les zones de calmes. Au milieu, à part pour ceux disposant d'une vraie BLU (poste émetteur-récepteur), souvent on ne savait pas grand chose et subissait le temps rencontré. Heureusement en partant à la bonne époque, le temps étant peut-être moins déréglé qu'aujourd'hui, on ne rencontrait que rarement de mauvaises surprises, à part des grains et orages plus ou moins fréquents et violents lors du passage d'ondes tropicales. On essayait aussi de comprendre la météo en apprenant à observer la mer et lire le ciel, mais il restait évidemment une grande part d'incertitude !

La possibilité de recevoir des fichiers de prévisions de vent à bord avec la fréquence désirée, en général une fois par jour et plus si un phénomène suspect risque de croiser la route, a vraiment changé la donne !
Tout d'abord avec une BLU équipée d'un modem pour visualiser les gribs sur son ordinateur et ensuite à partir d'un téléphone satellite, les tarifs étant devenus bien plus abordables pour la transmission rapide de fichiers. Ceci permet d'optimiser en temps réel et si nécessaire d'incurver sa trajectoire en fonction de la météo, ces gribs étant très fiables au milieu de l'atlantique pour souvent au moins 3 jours. Les logiciels de navigation et même des applications courantes disposent d'un module de routage, dérivé de la course mais paramétré aujourd'hui aussi pour la croisière familiale tranquille (voir par ex. Adrena).

Les routes pour traverser l'atlantique

Périodes, escales, durée de la traversée

Transatlantique Aller Est-Ouest :
Traversées vers les Antilles
La majorité des voiliers partent des Canaries fin Novembre pour passer les fêtes de fin d'année en famille aux Antilles. On peut descendre des côtes françaises, espagnoles ou portugaises vers Madère et les Canaries à la fin de l'été en septembre ou début Octobre, avant les premières dépressions hivernales. Lanzarote au vent des Canaries disposent de très belles marinas sûres et confortables, pratiques pour laisser son bateau quelques semaines; par exemple la récente Marina Lanzarote à Arrecife ou bien Puerto Calero au Sud-Est ou encore Rubicon au Sud. Quelques-uns ont eu la chance de laisser leur bateau dans le port de Graciosa qui porte bien son nom (quasiment gratuit mais ni eau, ni électricité à l'époque, escale devenue très fréquentée !). Attention à l'Harmattan, vent fort du désert, qui s'engouffre dans le goulet entre Graciosa et Lanzarote, certains au mouillage à la playa Francesa ont vu leur annexe s'envoler comme un cerf-volant !
Fin Novembre n'est pas une mauvaise période pour partir mais l'alizé n'est pas encore très stable, souvent faiblard, ce qui oblige parfois à descendre rapidement très au sud (par ex. à la latitude de la Martinique) pour bénéficier d'un meilleur vent, mais on se retrouve alors sur la route des ondes tropicales, ce qui veut dire nuages, grains, orages, éclairs... et la route est rallongée significativement.

Le plus gros problème à cette époque est l'encombrement des ports aux Canaries, sans parler des petits ports plus pittoresques comme La Gomera, port de départ très prisé. Des dépressions tropicales tardives peuvent encore trainer fin Novembre, voire début Décembre à l'est de l'Atlantique (cf. les dégâts dans la grande marina de Santa Cruz lors de l'hiver 2010) mais c'est assez rare.

Pour ceux qui n'ont pas la contrainte d'arriver pour les fêtes, partir un peu plus tard par ex. mi Décembre ou début Janvier peut permettre de profiter d'un alizé mieux établi et d'un ciel plus dégagé, sans attendre Février où un alizé plus musclé et une mer bien formée, parfois croisée, peut rendre la traversée moins agréable pour un équipage néophyte et surtout trop empiéter sur la meilleure saison aux Antilles.

Quant à la trajectoire on commence par faire du Sud pour échapper aux calmes dus au relief des Canaries, puis du Sud-Ouest et passe très souvent au large du Cap Vert, parfois à moins de 200 NM suivant les conditions rencontrées qui peuvent changer d'une année sur l'autre. Rien ne sert en général de vouloir suivre l'orthodromie (réceptionner les prévisions de vent pour en être sûr, la route directe étant très rarement favorable); à vouloir trop "couper le fromage" on va très probablement buter sur des calmes conduisant à de trop longues heures de moteur ou au fasseyement désagréable des voiles dans la houle toujours présente en plein océan. Pour ceux qui n'apprécient pas les longues traversées, une escale au Cap Vert est tout à fait possible le plus souvent sans trop rallonger la route optimale. On peut décider de visiter cet archipel pittoresque, mais souvent "venteux" en commençant par les îles au vent comme Sal ou simplement s'arrêter 2 à 3 jours dans la marina sécurisée de Mindelo ou au mouillage dans la baie (ponton pour annexes).
Ensuite ce n'est plus qu'une traversée de 2 semaines max., parfois seulement 10 jours dans un bon alizé, en trace directe jusqu'aux Antilles, au vent arrière ou avec des bords de grand largue plus rapides ou plus confortables suivant son voilier et l'état de la mer.

Traversée vers le Brésil
Celle-ci peut s'effectuer plus tôt par exemple en octobre, suivant l'agenda prévu pour la suite de la croisière en Amérique du Sud; par ex. pour ceux qui veulent naviguer en Patagonie pendant l'été austral.
Ceci implique une traversée du pot-au-noir (ITCZ) que l'on passe à l'endroit où il est le moins étendu, souvent entre 28 degrés de longitude Ouest à 30 degrés max. pour éviter du près serré par la suite. On part en général du Cap Vert, sur la route après une traversée de moins d'une semaine au portant à partir des Canaries.
Comme on n'est pas en course et que l'on veut éviter de faire trop de près dans l'alizé du sud-est, suivre une trajectoire quasi-directe n'est pas une mauvaise idée. Avec environ 48h de moteur dans le pot (surtout si comme Estella votre équipage n'apprécie pas les éclairs) pour traverser le plus rapidement possible les zones de grains, d'orages ou de calmasse chaude et moite.
Ensuite on passe au bon plein en privilégiant la vitesse sur le cap, car en approchant du Brésil ça va de toute manière adonner, l'alizé devenant plus franchement est en descendant. On peut aussi décider de s'arrêter à Fernando de Noronha (parc naturel avec certaines contraintes) ou filer sur Natal ou Joa Pessao (marina de Jacaré) ou encore directement vers la baie de Salvador pour les plus pressés.
C'est aussi une grande traversée que l'on peut qualifier de courte, car du Cap Vert au Brésil c'est généralement moins de 2 semaines, voire seulement 10 jours avec du moteur et un peu de "pot" (lol); à moins de tomber sur un pot particulièrement vicieux, bien nord au début et se décalant vers le sud au fur à mesure de votre progression. A noter aussi les cailloux St. Pierre et St. Paul en plein océan proches de la route, regarder la carte !

traversee de l'atlantique à la voile
Transat Retour Ouest-Est :
Antilles-Europe par les Açores

Pour la trajectoire à suivre on peut décider de passer par les Bermudes, si l'on ne connait pas cet archipel ou lorsque l'alizé s'obstine à rester au NE, mais en général ça rallonge la route sans apporter un énorme avantage, si ce n'est de fractionner cette traversée en deux. On peut penser attendre au mouillage des conditions propices pour traverser vers les Açores, mais la route est encore longue, pour rallier Horta à partir de St. Georges c'est encore une distance de 1800 NM par rapport à 2200 NM pour l'orthodromie à partir de St. Martin. Une position plus au Nord-Ouest peut aussi réduire la possibilité de bien se positionner pour éviter de subir de plein fouet une mauvaise dépression.
La traversée idéale c'est un départ bon plein des Antilles dans un alizé de SE (privilégier la vitesse et le passage dans les vagues) avec une trajectoire certes arrondie vers le Nord, mais pas trop éloignée de la route directe (200 à 300 NM max. de plus). Arrivé à une certaine latitude nord (ex. 28N, variable !) où l'alizé s'évapore, il faut sortir les voiles de petit temps ou démarrer le moteur avant d'accrocher un peu plus au Nord une dépression de NW qui va générer des vents d'ouest et pousser le bateau vers l'objectif. C'est ici que la réception des gribs de vents à bord est particulièrement utile pour adapter sa trajectoire. Ensuite c'est 3 (4 max) jours dans la grisaille, nuages noirs, plafond bas, grains, faible visibilité, pluie, voire orages, avec min. F6 à F7 parfois 8, pas trop agréable, mais ça avance. Sur un Ovni 435 dérive relevée, c'est de la luge au portant sur la longue houle à "donf" dans la boucaille (le radar est bienvenu); GV 2 ris puis 3 ris et trinquette et des journées proches de 200 NM sur la route directe, pas mal pour un voilier de voyage de cette taille bien chargé !
Après le passage de la dépression, c'est vraiment magnifique, ciel limpide du front froid, océan bleu outremer profond, belles lumières, vents forts molissant ... la ligne de pêche qui gémit avec un espadon qui se débat et saute dans le soleil couchant... des moments rêvés par tout navigateur ! Joli contraste après le bon plein rapide et sportif à saute moutons dans une mer d'alizé formée et les quelques jours à subir la dépression, sans parler de la ligne de traîne qui n'a jusqu'alors accroché que des algues, les sargasses devenant chaque année plus présentes. Quand ça se passe bien c'est une traversée de 15 jours de Saint-Martin à Horta, pouvant dépasser les 20 jours lorsque les zones de calmes sont plus étendues et que la dépression "locomotive" de NW se fait attendre.

La meilleure période pour partir des Antilles est souvent en Mai, Avril annonçant la fin des grosses dépressions hivernales sur l'Atlantique Nord et le début d'une période moins agréable, plus chaude et humide aux Antilles.
Certains partent plus tard, peut-être pour éviter la saturation des ports comme Horta au mois de Juin et l'alizé ayant tendance à fluctuer du NE l'hiver au SE l'été, sa direction devient plus favorable pour naviguer vers le NE, avec des départs échelonnés jusqu'au mois de Juillet. Trop tarder nous parait peu séduisant, les bulles anticycloniques sans vent s'étendant l'été et peut s'avérer dangereux, l'activité cyclonique démarrant de plus en plus tôt. Il suffit d'étudier l'historique des trajectoires des cyclones atlantiques qui remontent vers le Nord Est bien avant d'arriver sur les Antilles et des tempêtes tropicales qui passent de plus en plus près des Açores pour s'en convaincre. Sans parler du "Perfect Storm" américain (voir le film avec George Clooney en patron de pêche et ses vagues monstrueuses ... générées en studio) résultant de la fusion d'une dépression classique de NW avec une tempête sub tropicale qui remonte vers le NE en perdant peu de sa puissance grâce aux eaux chaudes du Gulf Stream !
Ceci étant dit il arrive que de petites dépressions secondaires, relativement peu étendues, mais bien creuses, puissent croiser la route de voiliers se rendant des Bermudes aux Açores, même en Mai ou Juin. Il faut alors essayer de s'éloigner le plus possible de leur centre en évitant de se retrouver du mauvais côté (cf. le sens de rotation des vents), et faire attention au risque de vent contre courant, pour ceux prenant une route nord à partir des Bermudes dans des zones où les méandres du Gulf Stream peuvent être actifs, pouvant créer des vagues scélérates, les fameuses "rogue waves". En partant bien avant le début de la saison cyclonique, conserver une position plus Sud plus proche de la route directe semble diminuer le risque de subir en plein une dépression vicieuse, mais peut augmenter rapidement le nombre d'heures de moteur dans les calmes; on voit d'ailleurs souvent des jerrycans sur le pont de voiliers en transat retour disposant de peu d'autonomie.

Ensuite après une période plus ou moins longue pour visiter l'archipel des Açores (attention aux vents forts locaux parfois surprenants dus à un relief important, pour ne pas casser de matériel), c'est en général une traversée agréable avec de bonnes fenêtres météo d'été, de moins d'une semaine vers le Portugal; un peu plus vers le cap Finistère et les côtes françaises.

Traversée plus au nord de l'Atlantique Nord
Des voiliers ayant remonté les côtes de l'Amérique du Nord de la Floride au Québec, partent de Saint-Pierre et Miquelon pour traverser vers l'Irlande. C'est une traversée s'effectuant l'été lorsque les mauvaises dépressions sont moins fréquentes, mais dans des conditions de mer et de vent plus fraiches (ainsi que pour les températures !) même si les dépressions passant plus au Nord l'été, mais toujours présentes sous ces latitudes, devraient apporter des vents portant.

La préparation du voilier

Concernant le bateau, il n'est pas inutile de vérifier le gréement dormant et courant avant de partir et de par exemple remplacer une drisse ou une bosse de ris déjà bien usée au départ, c'est plus facile au port que sur une mer d'alizé bien formée. A prévoir aussi : des toiles antiroulis pour pouvoir bien se reposer, la possibilité de fermer hermétiquement le bateau, pas seulement la descente, mais aussi tous les panneaux et aérations (par ex. disposer de tapes à visser sur les boites dorades à la place des manches à air), un bon verrouillage des placards qui ne doivent pas s'ouvrir même si le bateau se couche; et aussi la possibilité de verrouiller ou fixer les planchers pour ne pas recevoir bouteilles ou boites de conserves sur la tête en cas de retournement intempestif. Une bonne autonomie en gasoil peut s'avérer nécessaire, notamment pour revenir des Antilles.

De nos jours téléphone satellite Iridium et balise EPIRB avec GPS intégré semblent indispensables pour la sécurité. Il est utile aussi de disposer à bord d'un minimum de matériel pour remplacer ou colmater un hublot ou panneau cassé et pouvoir établir un gréement de fortune avec la bôme ou un ou deux tangons; en transat aller dans l'alizé on peut encore avancer à 3N dans la bonne direction.

Il ne s'agit pas de traversées à priori difficiles, des centaines de voiliers traversent chaque année sans aucun souci; mais en "bon marin" il est toujours prudent de prévoir des conditions pouvant s'avérer plus rudes que prévues.

Combien coûte une traversée de l'Atlantique ?

A la question souvent posée du prix ou du coût de revient d'une transatlantique pour un passager en tant qu'équipier sur un voilier de croisière de taille courante de 40 à 50 pieds, on peut répondre qu'il est relativement facile de trouver un embarquement des Canaries aux Antilles en Novembre-Décembre ou des Antilles aux Açores en Mai-Juin pour des équipiers ayant un minimum d'expérience de la voile et des traversées pour une somme d'environ 500 euros, sans compter les billets d'avion pour se rendre ou repartir des îles. En effet des équipages réduits ou couples de retraités plus tous jeunes ou encore des familles avec de jeunes enfants sont souvent intéressés par l'embarquement d'un équipier (ou d'une équipière) pouvant effectuer des quarts de veille et demanderont seulement une participation raisonnable à la caisse de bord d'environ 20 à 30 € par jour pour couvrir les frais de nourriture, boissons et éventuellement de fuel, soit en moyenne 500 € en prenant une durée de traversée de 20 jours.
A moins qu'il s'agisse d'une co-navigation avec partage de tous les frais (ex. location ou entretien et amortissement du bateau) entre les associés, se méfier des demandes de participation à la caisse de bord irréalistes qui peuvent cacher du charter déguisé alors que le bateau n'est pas déclaré en NUC (navigations commerciales) et le propriétaire-skipper ne possède ni le brevet obligatoire, ni l'assurance pour le transport de passagers. Vu les prix des approvisionnements beaucoup plus élevés aux Antilles par rapport aux Canaries ou au Portugal, et la propension à effectuer plus d'heures de moteur en transat retour dans les calmes, on pourrait s'attendre à une différence de coût objective entre une transat aller (moins chère) et une transat retour (plus chère); bien que ce ne soit pas toujours le cas, car les candidats recherchés pour une transat retour devant souvent être plus expérimentés dans l'anticipation de conditions potentiellement plus dures sont moins nombreux.

Des ouvrages de références à lire pour approfondir ce sujet : voir ici


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Météo Traversée de l'Atlantique
Les bulletins et cartes météo pour traverser l'océan Atlantique

Tour de l'océan Atlantique
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